Un sourire narquois étire mes lèvres à la mention de Philbert. L'héritier de la puissante famille De Rochas, armateurs et négociants, à la tête d'une bonne part de la flotte de commerce Aliane et employeurs de nombreux équipages, du mousse au capitaine, de la cité. Philbert le fat, Philbert le sot, Philbert le coq, qui, éconduit dans ses avances outrancières, avait fini couché dans un champ par une aube brumeuse, une balle de pistolet dans la poitrine. Une balle que j'avais tiré après l'avoir ridiculisé et défié en duel. Cet imbécile, et ses amis, était l'origine de tous mes ennuis dans la cité, son orgueil de mâle n'acceptant pas que je repousse ses avances.
Il serait préférable que ce prétentieux et la clique de ses amis flagorneurs ignorent mon retour en ville. Mais allons, chassons ces souvenirs aigres doux de mon esprit, et revenons-en à Alinei, que je devine un peu embarrassée. Un coup d’œil critique pour juger de la tenue, bien choisie par Jorge, et dont la couleur met en valeur les yeux de mon amie. Bon, le couturier va avoir un peu de travail ... Alinei n'a pas les mensurations habituelles des donzelles habillées par ce commerce. Et surtout, elle va devoir adoucir ses gestes et sa démarche, un peu trop ... martiaux, pour une jeune femme qui se prépare à un rendez-vous galant. Un second coup d’œil, en la regardant tourner dans la robe, et je hoche la tête d'un air approbateur :
Superbe ! La robe te va bien et, après les retouches de Jorge, elle sera parfaite. J'ai l'impression de voir une autre Alinei ! Qu'il est agréable de te voir sans armure et sans armes - <pense:>enfin presque, soupiré-je intérieurement en apercevant la dague attachée au mollet - tu es ravissante ! Attention, messieurs d'Alia, ce soir des cœurs vont chavirer !