Je passe une main dans mes cheveux pour dégager une mèche collée par la sueur et la poussière, et je m’avance de quelques pas, assez pour me faire entendre sans hausser la voix. La pierre froide renvoie l’écho de mes pas et la forteresse semble déjà refermer ses mâchoires. Je jette un regard à Gabrielle, sans aucune hostilité, juste un mélange d’estime et d’urgence qui me ronge lentement.
Gabrielle, je t’admire, vraiment. Tu pourrais faire parler un rocher s’il te restait assez de temps… mais là, ce n’est plus du roc, c’est du pus.
Je désigne Théodore d’un mouvement de tête avant de regarder les couloirs sombres qui nous entourent. Et pendant qu’on bavarde, la forteresse grouille encore de nécromants, voire de morts-vivants.
Je respire, longtemps, avant de reprendre. Je ne cherche pas à blesser, juste à la ramener à la réalité.
Si on pouvait garder les confidences pour plus tard, je préférerais qu’on s’occupe d’abord de ceux qui peuvent encore bouger : tu sais, ceux qui essaieront de nous tuer.
Je me tourne légèrement vers la direction que j'avais entrepris de prendre. L’idée de traîner ici plus longtemps me donne la nausée.
Théodore aura tout le loisir de nous mentir à nouveau quand le château sera nettoyé, mais pour l’heure… j’aimerais bien qu’on vive assez longtemps pour qu’il puisse recommencer.
Je pointe du pouce la trappe vers le premier étage.
Sans compter que si on veut surprendre qui que ce soit ici, mieux vaut avancer avant le prochain changement de garde. Sinon, ce n’est pas eux qui seront surpris.
Je ne souris pas. Pas cette fois. J’ai déjà trop attendu, et trop entendu aussi. Et je ne veux pas prendre le risque de laisser les enfants ici si nous échouons.
Moi, j’avance.